"Lecteur, avant tout, je te dois un aveu.
Le titre de ce livre est un attrape-couillon. Cette « lettre ouverte »
ne s’adresse pas aux culs-bénits. […]
Les culs-bénits sont imperméables,
inoxydables, inexpugnables, murés une fois pour toutes dans ce qu’il est
convenu d’appeler leur « foi ». Arguments ou sarcasmes, rien ne les
atteint, ils ont rencontré Dieu, il l’ont touché du doigt. Amen.
Jetons-les aux lions, ils aiment ça.
Ce n’est donc pas à eux, brebis bêlantes
ou sombres fanatiques, que je m’adresse ici, mais bien à vous, mes
chers mécréants, si dénigrés, si méprisés en cette merdeuse fin de
siècle où le groin de l’imbécillité triomphante envahit tout, où la
curaille universelle, quelle que soit sa couleur, quels que soient les
salamalecs de son rituel, revient en force partout dans le monde. […]
O vous, les mécréants, les athées, les
impies, les libres penseurs, vous les sceptiques sereins qu’écœure
l’épaisse ragougnasse de toutes les prêtrailles, vous qui n’avez besoin
ni de petit Jésus, ni de père Noël, ni d’Allah au blanc turban, ni de
Yahvé au noir sourcil, ni de dalaï-lama si touchant dans son torchon
jaune, ni de grotte de Lourdes, ni de messe en rock, vous qui ricanez de
l’astrologie crapuleuse comme des sectes « fraternellement »
esclavagistes, vous qui savez que le progrès peut exister, qu’il est
dans l’usage de notre raison et nulle part ailleurs, vous, mes frères en
incroyance fertile, ne soyez pas aussi discrets, aussi timides, aussi
résignés !
Ne soyez pas là, bras ballants, navrés
mais sans ressort, à contempler la hideuse résurrection des monstres du
vieux marécage qu’on avait bien cru en train de crever de leur belle
mort.
Vous qui savez que la question de
l’existence d’un dieu et celle de notre raison d’être ici-bas ne sont
que les reflets de notre peur de mourir, du refus de notre
insignifiance, et ne peuvent susciter que des réponses illusoires, tour à
tour consolatrices et terrifiantes.
Vous qui n’admettez pas que des gourous
tiarés ou enturbannés imposent leurs conceptions délirantes et, dès
qu’ils le peuvent, leur intransigeance tyrannique à des foules
fanatisées ou résignées,
Vous qui voyez la laïcité et donc la
démocratie reculer d’année en année, victimes tout autant de
l’indifférence des foules que du dynamisme conquérant des culs-bénits,
[…]
À l’heure où fleurit l’obscurantisme né
de l’insuffisance ou de la timidité de l’école publique, empêtrée dans
une conception trop timorée de la laïcité.
Sachons au moins nous reconnaître entre
nous, ne nous laissons pas submerger, écrivons, « causons dans le
poste », éduquons nos gosses, saisissons toutes les occasions de sauver
de la bêtise et du conformisme ceux qui peuvent être sauvés ! […]
Simplement, en cette veille d’un siècle
que les ressasseurs de mots d’auteur pour salons et vernissages se
plaisent à prédire « mystique », je m’adresse à vous, incroyants, et
surtout à vous, enfants d’incroyants élevés à l’écart de ces mômeries et
qui ne soupçonnez pas ce que peuvent être le frisson religieux, la
tentation de la réponse automatique à tout, le délicieux abandon du
doute inconfortable pour la certitude assénée, et, par-dessus tout, le
rassurant conformisme.
Dieu est à la mode. Raison de plus pour le laisser aux abrutis qui la
suivent. […]
Un climat d'intolérance, de fanatisme,
de dictature théocratique s'installe et fait tache d'huile. L'intégrisme
musulman a donné le « la », mais d'autres extrémismes religieux
piaffent et brûlent de suivre son exemple. Demain, catholiques,
orthodoxes et autres variétés chrétiennes instaureront la terreur pieuse
partout où ils dominent. Les Juifs en feront autant en Israël.
Il suffit pour cela que des groupes
ultra-nationalistes, et donc s'appuyant sur les ultra-croyants, accèdent
au pouvoir. Ce qui n'est nullement improbable, étant donné l'état de
déliquescence accélérée des démocraties. Le vingt et unième siècle sera
un siècle de persécutions et de bûchers. […]"
(Ca se remplit, y a pas à dire : le Paradis deviendrait presqu'un endroit fréquentable à force : http://www.youtube.com/watch?v=m1jBgd8anPA )
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire