Être, dans le tournoiement des mondes,
comme une poussière de fleurs, qu’un vent inconnu soulève dans le
jour finissant, et que la torpeur du crépuscule laisse retomber au
hasard, indistincte au milieu de formes plus vastes. Être cela de
connaissance sûre, sans gaieté ni tristesse, mais reconnaissant au
soleil de son éclat, et aux étoiles de leur éloignement. En dehors
de cela, ne rien être, ne rien avoir, ne rien vouloir… Musique de
mendiant affamé, chanson d’aveugle, objet offert par un voyageur
inconnu, traces dans le désert de quelque chameau avançant, sans
charge et sans but…
[…]
La liberté, c’est la possibilité de
s’isoler. Tu es libre si tu peux t’éloigner des hommes sans que
t’oblige à les rechercher le besoin d’argent, ou l’instinct
grégaire, l’amour, la gloire ou la curiosité, toutes choses qui
ne peuvent trouver d’aliment dans la solitude ou le silence. S’il
t'est impossible de vivre seul, c’est que tu es né esclave. Tu
peux bien posséder toutes les grandeurs de l’âme ou de l’esprit
: tu es un esclave noble,
ou un valet intelligent, mais tu n’es pas
libre.
(Fernando Pessoa - Le livre de l’intranquillité)
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