« L'Antiquité se méfiait
des marins. Livrés sans défense aux caprices des océans, ils
apparaissaient chargés de trésors inestimables à l'instant même
où ils étaient portés disparus ou, au contraire, s'évanouissaient
à jamais, victimes de leur hardiesse ou capturés par les
pirates.
Au VIe siècle avant Jésus-Christ, le poète Anacharsis
mettait ses concitoyens en garde; "Les marins, disait-il, ne
sont ni tout a fait des vivants , ni tout à fait des morts."
Ils appartiennent au monde incertain de l'entre-deux, voguant entre
le connu et l'inconnu, ce ne sont que des funambules qui marchent sur
le fil ténu de leur chute, tenus en suspens! Pourtant, ces hommes
aux traits burinés par les embruns, hâlés par le soleil de haute
mer, couverts d'un épais manteau de laine ou à peine d'un pagne ne
cessent d'intriguer leurs contemporains. C'est qu'il sont un peu
sorciers et par conséquent hypocrites. D'ailleurs, ils possèdent
entre eux un langage propre grâce auquel ils échangent des
informations qu'ils désirent à tout prix préserver.
Dans tout
les cas, ce sont des vagabonds hermétiques, des aventuriers, fils
des dieux marins, et leurs bateaux ne sont que de frêles traits
d'union, lancés à la conquête d'un ciel incertain où l'azur et
l'océan se conjuguent parfois avec cet inconnu qui enchante le rêve
des hommes.
Que le bateau alors prenne la mer et rejoigne les
nuages, les troubles brouillards et les évanescentes fumerolles
dont nous entourons les songeries, les légendes et les mythes qui,
de leurs insaisissables contours, nimbent les improbables conquêtes,
les aventures défaillantes ou les rêves possible. »
(Mû – Hugo Pratt – Eddy Devolder)
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