Comme j’étais malheureuse, j’ai décidé que j’étais
moche. Du coup, j’ai longuement traîné sur des forums de moches.
(Parce qu’évidemment, sur les forums beauté, c’est pas des
meufs trop belles qui viennent poster parce que les meufs trop
belles, ce temps précieux, elles le consacrent à niquer et elles
ont bien raison).
Et finalement, j’ai décidé d’aller chez le coiffeur. Ça, ça
prouve que j’étais vraiment désespérée. Je suis nulle en deux
choses dans la vie : en chaussures et en cheveux. Du coup, j’en
achète jamais (ni des chaussures ni des cheveux, vous avez bien
compris).
J’ai toujours choisi des coiffeurs qui me maltraitaient, des
coiffeurs qui sentaient qu’ils pourraient facilement avoir
l’ascendant sur moi, ce qui m’arrange parce que je suis une
soumise du cheveu. J’entretiens clairement un rapport
sadomasochiste
avec mes coiffeurs.[…]
Il y a quelques années, quand j’ai découvert Ben le coiffeur,
j’étais convaincue que je ne pourrais décemment pas trouver un
coiffeur qui me traiterait plus mal que lui. (Ni un coiffeur chez qui
je pourrais fumer.) Ben m’insultait, me disait que j’étais
moche, que mes cheveux étaient affreux et surtout, surtout, il ne me
demandait même pas ce que je voulais comme coupe vu que dans son
esprit j’étais une sombre merde à peine capable d’articuler
trois mots: « Bonjour, combien, merci ». Et le fait que
je m’obstine à lire du Roland Barthes pendant qu’il m’insultait
n’y changeait rien.
Malheureusement, Ben a dû fermer son salon (mais proposait de
venir me massacrer chez moi) et j’ai dû changer de coiffeur. Et
alors, j’ai rencontré Caro. Pur miracle. Soyons clair : Caro me
terrorise. Caro ne me reconnait jamais (en même temps, j’y vais
une fois l’an). Caro n’aime pas trop son travail. En règle
générale, Caro est toujours de mauvaise humeur. (Caro est très
française.) Caro a une putain de classe de ouf. J’imagine très
bien que Caro était la rebelle la plus cool de son lycée.
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