jeudi 20 novembre 2014

« On fait de l’argent avec de l’argent et au lieu de parler des œuvres ou des produits eux-mêmes, on parle de l’argent qu’ils font. C’est de la pornographie pour trader. » (Oscar Barda)







    « Je sais que ces pensées de l’émotion font rage dans notre âme. Notre incapacité à imaginer à quoi elles peuvent correspondre, ou à trouver quoi que ce soit pour remplacer ce qu’elles étreignent en vision - tout cela nous pèse comme une condamnation, infligée nous ne savons 
    ni où, ni par qui, ni pourquoi.

    Mais ce qui nous en reste, sans nul doute, c’est un dégoût de la vie et de toutes ses actions, une lassitude anticipée de tous les désirs et de toutes leurs manifestations, un dégoût anonyme de tous les sentiments. Dans ces heures de subtile mélancolie, il nous devient impossible, même en rêve, d’être amoureux, d’être héroïque, d’être heureux. Tout cela est vide, jusque dans l’idée de ce qu’il est. Tout cela nous est dit dans une autre langue, incompréhensible, suite sonore de syllabes qui ne prennent aucune forme dans notre esprit. La vie est creuse, notre âme est creuse, le monde entier est creux. Tous les dieux meurent, d’une mort plus profonde que la mort. Tout est plus vide que le vide. Tout se réduit à un chaos de choses inexistantes.

    Réfléchissant à tout cela, si je regarde autour de moi, pour voir si la réalité apaise ma soif, ce que je vois, ce sont des maisons sans expression, des figures sans expression, des gestes sans expression. Pierres, corps ou idées – tout cela est mort. Tous les mouvements sont arrêtés – en un même arrêt dans lequel ils se figent tous. Rien ne me dit rien. Rien ne m’est connu, non que je le trouve bizarre, mais parce que je ne sais ce que c’est. J’ai perdu le monde. Et tout au fond de mon âme – seule réalité de cet instant – il y a une douleur intense et invisible, une tristesse semblable au bruit d’un homme
     pleurant dans une pièce obscure. »

    (Fernando Pessoa, in "Le livre de l'intranquillité")

dimanche 19 octobre 2014

« Et puis, il y a ceux que l’on croise, que l’on connait à peine, qui vous disent un mot, une phrase, vous accordent une minute, une demi-heure et changent le cours de votre vie. » (Victor Hugo)



  « L'Antiquité se méfiait des marins. Livrés sans défense aux caprices des océans, ils apparaissaient chargés de trésors inestimables à l'instant même où ils étaient portés disparus ou, au contraire, s'évanouissaient à jamais, victimes de leur hardiesse ou capturés par les pirates.
Au VIe siècle avant Jésus-Christ, le poète Anacharsis mettait ses concitoyens en garde; "Les marins, disait-il, ne sont ni tout a fait des vivants , ni tout à fait des morts." Ils appartiennent au monde incertain de l'entre-deux, voguant entre le connu et l'inconnu, ce ne sont que des funambules qui marchent sur le fil ténu de leur chute, tenus en suspens! Pourtant, ces hommes aux traits burinés par les embruns, hâlés par le soleil de haute mer, couverts d'un épais manteau de laine ou à peine d'un pagne ne cessent d'intriguer leurs contemporains. C'est qu'il sont un peu sorciers et par conséquent hypocrites. D'ailleurs, ils possèdent entre eux un langage propre grâce auquel ils échangent des informations qu'ils désirent à tout prix préserver.
Dans tout les cas, ce sont des vagabonds hermétiques, des aventuriers, fils des dieux marins, et leurs bateaux ne sont que de frêles traits d'union, lancés à la conquête d'un ciel incertain où l'azur et l'océan se conjuguent parfois avec cet inconnu qui enchante le rêve des hommes.
Que le bateau alors prenne la mer et rejoigne les nuages, les troubles brouillards et les évanescentes fumerolles dont nous entourons les songeries, les légendes et les mythes qui, de leurs insaisissables contours, nimbent les improbables conquêtes, 
les aventures défaillantes ou les rêves possible. »

(Mû – Hugo Pratt – Eddy Devolder)



dimanche 12 octobre 2014

« The comments on any article on feminism will invariably prove the need for feminism. » (Lewis’s Law)




« Et pourtant, je crois en l’aristocratie. Si le mot est exact et si un Démocrate peut l’employer. Non pas à une aristocratie de pouvoir basée sur le rang et l’influence,
mais à celle des prévenants, des discrets et de ceux qui ont du cran.

On trouve ses membres dans toutes les nations, parmi toutes les classes et chez des gens de tout âge. Et il y a comme une connivence secrète entre eux quand ils se croisent.
Ils représentent la seule vraie tradition humaine, l’unique victoire permanente
de notre drôle de race sur la cruauté et le chaos.

Des milliers d’entre eux périrent dans l’obscurité; peu sont de grands noms.
Ils sont à l’écoute des autres comme ils le sont d’eux-mêmes, sont attentionnés
sans en faire des tonnes et leur vaillance n’est pas une pose
mais plutôt une aptitude à pouvoir tout endurer.

Et en plus… Ils ont de l’humour. »

(E.M Forster)

jeudi 2 octobre 2014

« Il ne suffit pas d’avoir de l’esprit. Sans le caractère, les œuvres d’art, quoi qu’on fasse, seront toujours médiocres ; l’honnêteté est la première condition de l’esthétique. » (Flaubert)





« Moi, j'avais l'idéal logé dans un coin de ma cervelle, et il ne me fallait que quelques jours d'entière liberté pour le faire éclore. Je le portais dans la rue, les pieds sur le verglas, les épaules couvertes de neige, les mains dans mes poches, l'estomac un peu creux quelquefois, mais la tête d'autant plus remplie de songes, de mélodies, de couleurs, de formes, de rayons et de fantômes. Je n'étais plus une dame, je n'étais pas non plus un monsieur. On me poussait sur le trottoir comme une chose qui pouvait gêner les passants affairés. Cela m'était bien égal, à moi qui n'avais aucune affaire. 
On ne me connaissait pas, on ne me regardait pas, on ne me reprenait pas ; 
 j'étais un atome perdu dans cette immense foule. » 

(George Sand - Histoire de ma vie, IV, 14)

samedi 27 septembre 2014

« L'homme écrit sur le sable. Moi ça me convient bien ainsi ; l'effacement ne me contrarie pas ; à marée descendante, je recommence. » (J. Dubuffet)





« La force de celui qui n'a pas d'ambition est phénoménale. Il n'a rien à gagner, il n'a rien à perdre. Il ne fait pas de fautes de stratégie : il n'en a pas. Il avance sans crainte, sans pression aucune. Sa motivation est liée seulement à son souci permanent de rendre sa tâche la moins lourde possible. Il n'est un danger pour personne, il n'a donc pas de prédateur (…) Il est transparent pour les autres, il peut parfois être considéré avec pitié…

Erreur fondamentale, car il sera sans doute le seul survivant. » 

(Solange de Carrère)

samedi 20 septembre 2014

« L’art de s’avancer et de parvenir, c’est l’art d’offrir sa main à qui l’on voudrait donner son pied. » (Louis de Rouvroy)



  " Ici-bas je ne suis guère saisissable car j'habite aussi bien chez les morts 
que chez ceux qui ne sont pas nés encore, un peu plus proche de la création
que de coutume, bien loin d'en être jamais assez proche."

 (Paul Klee-épitaphe)


dimanche 14 septembre 2014

« Et je te soutiens, oui, je te soutiens très fort, encore plus que ne le ferait un soutif bonnet A sur des seins qui font du C. » (S-P. Pernault-Madmoizelle)




The Listeners

"Is there anybody there?" said the Traveller,
Knocking on the moonlit door;
And his horse in the silence champed the grass
Of the forest's ferny floor;
And a bird flew up out of the turret,
Above the Traveller's head.
And he smote upon the door again a second time;
"Is there anybody there?" he said.

But no one descended to the Traveller;
No head from the leaf-fringed sill
Leaned over and looked into his grey eyes,
Where he stood perplexed and still.
But only a host of phantom listeners
That dwelt in the lone house then
Stood listening in the quiet of the moonlight
To that voice from the world of men:
Stood thronging the faint moonbeams on the dark stair,
That goes down to the empty hall,
Hearkening in an air stirred and shaken
By the lonely Traveller's call.

And he felt in his heart their strangeness,
Their stillness answering his cry,
While his horse moved, cropping the dark turf,
'Neath the starred and leafy sky;
For he suddenly smote on the door, even
Louder, and lifted his head:
"Tell them I came, and no one answered,
That I kept my word," he said.

Never the least stir made the listeners,
Though every word he spake
Fell echoing through the shadowiness of the still house
From the one man left awake:
Ay, they heard his foot upon the stirrup,
And the sound of iron on stone,
And how the silence surged softly backward,
When the plunging hoofs were gone. »

(Walter de la Mare)





mercredi 20 août 2014