jeudi 23 avril 2015

Mon mystère, mon ignorance en somme, sont intacts. Curieuse virginité. Je dois mon peu de fortune et ma lumineuse misère au romanesque, cette vie qui propose la vie sans l'expliquer. (Jean-Claude Pirotte)




Clov (regard fixe, voix blanche)
 
Je me dis - quelques fois, Clov, il faut que tu arrives à souffrir mieux que ça, si tu veux qu'on se lasse de te punir - un jour. Je me dis - quelques fois, Clov, il faut que tu sois là mieux que ça, si tu veux qu'on te laisse partir - un jour. Mais je me sens trop vieux, et trop loin, pour pouvoir former de nouvelles habitudes. Bon, ça ne finira donc jamais, je ne partirai donc jamais. (Un temps) Puis un jour, soudain, ça finit, ça change, je ne comprends pas, ça meurt, ou c'est moi, je ne comprends pas, ça non plus. Je le demande aux mots qui restent - sommeil, réveil, soir, matin. Il ne savent rien dire. (Un temps) J'ouvre la porte du cabanon et m'en vais. Je suis si voûté que je ne vois que mes pieds, si j'ouvre les yeux, et entre mes jambes un peu de poussière noirâtre. Je me dis que la terre s'est éteinte, quoique je ne l'aie jamais vue allumée. (Un temps) Ça va tout seul. (Un temps) 
Quand je tomberai je pleurerai de bonheur.

(Samuel Beckett - Fin de partie - 1957)

lundi 13 avril 2015

Et la fête est tout ce qui reste quand les contenus idéologiques se sont à peu près egalisés ou indifférenciés. (Après l'Histoire - Philippe Muray)







    « Car on ne meurt ni dans l’unification titanesque des Anciens, ni dans la dissémination des Modernes. On meurt dans la langue aplatie des ministres et des hommes d’affaires, des technocrates et des chroniqueurs télévisuels.
    Une langue que tout le monde parle mais que personne n’écoute."  

    (Pacôme Thiellement – Le 1hebdo)

jeudi 2 avril 2015

« 100% of humans should practice an art. Probably 0% should try to make money off it. » (Austin Kleon)







"(...) il faut continuer, je ne peux pas continuer, il faut continuer, je vais donc continuer, il faut dire des mots, tant qu’il y en a, il faut les dire, jusqu’à ce qu’ils me trouvent, jusqu’à ce qu’ils me disent, étrange peine, étrange faute, il faut continuer, c’est peut-être déjà fait, ils m’ont peut-être déjà dit, ils m’ont peut-être porté jusqu’au seuil de mon histoire, devant la porte qui s’ouvre sur mon histoire, ça m’étonnerait, si elle s’ouvre, ça va être moi, ça va être le silence, là où je suis, je ne sais pas, je ne le saurai jamais, dans le silence on ne sait pas, il faut continuer, je ne peux pas continuer, 
je vais continuer." 

 (Samuel Beckett, "L’innommable", Les éditions de Minuit, 1953)