vendredi 20 mars 2015

«Je le répète à l’intention des étudiants en lettres qui commencent à savoir lire dès l’âge du permis de conduire, on peut très bien vivre sans la moindre espèce de culture...Quand il a écrit Hamlet, Molière avait-il lu Ronsard ? Non.» (Pierre Desproges)



"Ah rire de tout de soi
des oripeaux des leurres
des grimages des peurs
du corps et des pensées
mais pas des fous
mais pas des ruisseaux
bordés de mousse fraîche
qu'un pied maladroit
détache d'une roche noire
et brillante palpitant de
joie dans les éclats de l'eau
courant impétueuse et libre
vers les lacs l'océan les nuages
rire de tout sauf du mépris
si facile devant la faiblesse
rire de sa propre faiblesse
sauf du combat de l'être
dans l'ombre du sous-bois
ni sérieux ni orgueil ni envie
mais dressé face au vent
putride dont même l'humus
au délicat parfum ne veut
humus où se cache la girole
non pourriture puante qui
se délecte de couardise
écoutait-il un lied
de Mahler pensant
à la belle journée
qui venait de s'offrir
en un regard furtif."

(Jean-Jacques Marimbert)

mardi 10 mars 2015

"Un dieu naît. D'autres meurent. La vérité n'est ni venue ni partie: l'Erreur seule a changé." (Fernando Pessoa)


« - Mais où sont passés les intellectuels ?
– Tu veux parler de ces gens censés penser pour nous ?
– C’est ça, on les appelle les intellectuels.
– Qu’ils restent dans leurs fauteuils feutrés. Aujourd’hui, on n’a pas besoin d’être quelqu’un qui pense à part pour défendre une cause commune. Toi et moi sommes peut-être des intellectuels qui s’ignorent.
– Sauf que nous sommes perdus, engagés dans l’arène et sans repères.
– Parce que tu penses que d’autres, moins déboussolés, sauraient nous montrer la voie ou qu’ils arriveraient à en identifier le point d’accès ?
– C’est ce qu’ils sont censés faire.
– Justement. Ils ne semblent plus en mesure de le faire.
– Le drame est que les gens, comme toi et moi, sortis dans la rue pour crier leur colère, gardent une longueur d’avance sur eux.
– Pourquoi tu dis ça ?
– Parce que toi et moi avons provoqué pour le coup un tournant que ces soi-disant intellectuels n’ont même pas perçu à l’horizon.
– Mais ce ne sont pas des devins, à ce que je sache.
– Si. Leur métier est bien d’analyser l’humain, le social, le politique. J’ai comme l’impression qu’ils ne voient pas l’essentiel.
– Ou le perçoivent vaguement mais hésitent à le nommer par rigueur scientifique.
– Ou n’osent pas le faire par frilosité politique.
– Parfois, le silence a autant de retentissement que la parole... »

(Le Métier d’intellectuel. Dialogues avec quinze penseurs du Maroc)





lundi 9 mars 2015

"Comment me débarrasser enfin de cette impression tenace qui me hante de n'avoir rien appris, mais de n'avoir fait que du cabotage le long des rives de la connaissance." (Évariste de Parny)


"Pauvre cher ami,

Je t'aime d'autant plus que tu deviens plus malheureux. Comme tu te tourmentes et comme tu t'affectes de la vie! Car tout ce dont tu te plains, c'est la vie, elle n'a jamais été meilleure pour personne et dans aucun temps. On la sent plus ou moins, on la comprend plus ou moins, on en souffre donc plus ou moins, et plus on est en avant de l'époque où l'on vit, plus on souffre. Nous passons comme des ombres sur un fond de nuages que le soleil perce à peine et rarement, et nous crions sans cesse après ce soleil qui n'en peut mais. C'est à nous de déblayer nos nuages.

Tu aimes trop la littérature, elle te tuera et tu ne tueras pas la bêtise humaine. Pauvre chère bêtise, que je ne hais pas, moi, et que je regarde avec des yeux maternels, car c'est une enfance, et toute enfance est sacrée. Quelle haine tu lui as vouée, quelle guerre tu lui fais ! Tu as trop de savoir et d'intelligence, mon Cruchard, tu oublies qu'il y a quelque chose au-dessus de l'art, à savoir la sagesse, dont l'art à son apogée, n'est jamais que l'expression. La sagesse comprend tout, le beau, le vrai, le bien, l'enthousiasme par conséquent. Elle nous apprend à voir hors de nous quelque chose de plus élevé que ce qui est en nous, et à nous de l'assimiler peu à peu par la contemplation et l'admiration.

Mais je ne réussirais pas à te changer, je ne réussirais même pas à te faire comprendre comment j'envisage et saisis le bonheur, c'est-à-dire l'acceptation de la vie, quelle qu'elle soit ! Il y a une personne qui pourrait te modifier et te sauver, c'est le père Hugo, car il a un côté par lequel il est grand philosophe, tout en étant le grand artiste qu'il te faut et que je ne suis pas. Il faut le voir souvent. Je crois qu'il te calmera : moi, je n'ai plus assez d'orage en moi pour que tu me comprennes. Lui je crois qu'il a gardé sa foudre et qu'il a tout de même acquis la douceur et la mansuétude de la vieillesse.

Vois-le, vois-le souvent et conte lui tes peines, qui sont grosses, je le vois bien, et qui tournent trop au spleen. Tu penses trop aux morts, tu les crois trop arrivés au repos. Ils n'en ont point. Il sont comme nous, ils cherchent. Ils travaillent à chercher.

Tout mon monde va bien et t'embrasse. Moi, je ne guéris pas, mais j'espère, guerre ou non, marcher encore pour élever mes petites-filles, et pour t'aimer, tant qu'il me restera un souffle."

 (Lettre de George Sand à Gustave Flaubert)

jeudi 5 mars 2015

«Chère madame, ce n'est pas la corde qui fait le pendu. Sachez que même un loqueteux comme lui peut avoir un ange gardien...Un ange tout blond qui veille sur lui.» (Sentenza - Le bon, la brute et le truand)


« Je lis parce que la vie ne me suffit pas.
Je lis pour être ailleurs.
Je lis parce que c’est la seule activité au monde qui permette d’être à la fois seul et accompagné.
Je lis pour écouter les morts.
Je lis pour sortir, sans sortir.
Mais je lis aussi pour entendre des vivants.
Je lis pour ne pas vieillir.
Je lis pour échapper à la société autant qu’à moi-même.
Je lis pour être libre.
Je lis pour ne pas être dérangé.
Je lis pour ne pas répondre au téléphone.
Je lis pour ne plus être ici mais là-bas.
Je lis sans raison.
Je lis pour lire. »

(Frédéric Beigbeder)


mercredi 4 mars 2015

«Et si j’étais toi, j’éviterais de chercher la bagarre à une octogénaire munie d’aiguilles à tricoter qui lit Le nouveau détective.» (Eve Gratien - Madmoizelle)


"Vous êtes le résultat de l'énorme poids du monde, surchargé de sa culture et de ses religions, et ce poids vous entraîne matériellement et intérieurement. Vous devez soit faire la paix avec la société, ce qui veut dire accepter ses maladies et vivre avec, soit la rejeter toute entière et trouver une autre façon de vivre. Mais vous ne pouvez pas trouver un nouveau mode d'existence sans abandonner l'ancien."  

(Jiddu Krishnamurti - La Révolution du silence)