dimanche 21 octobre 2018

On ne dit pas ''Non'' au Conseiller Udina... enfin, vous vous le feriez. Mais moi j'habite ici. (Commandant Bailey – Mass Effect 3)


 
«Et de fait, rien ne rend peut-être plus palpable l’énorme régression dans laquelle est entrée l’humanité depuis la première guerre mondiale que les restrictions apportées à la liberté de mouvement des hommes et à leurs libertés. Avant 1914, la terre appartenait à tous ses habitants. Chacun allait où il voulait et y restait aussi longtemps qu’il voulait. Il n’y avait pas de permissions, pas d’autorisations, et cela m’amuse toujours de voir l’étonnement des jeunes lorsque je leur raconte qu’avant 1914, je voyageais en Inde et en Amérique sans avoir de passeport et même n’en avais jamais vu aucun.

On montait dans le train et on en descendait sans rien demander, sans qu’on vous demandât rien, on n’avait pas à remplir un seul de ces centaines de papiers qu’on réclame aujourd’hui. Il n’y avait ni permis, ni visas, ni tracasseries ; ces mêmes frontières qui, avec leurs douaniers, leur police, leurs postes de gendarmerie, sont aujourd’hui transformées en réseau de barbelés en raison de la méfiance pathologique de tous envers tous, n’étaient rien d’autre que des lignes symboliques qu’on traversait avec autant d’insouciance que le méridien de Greenwich.

C’est seulement après la guerre que le monde se vit bouleversé par le national-socialisme, et le premier phénomène qu’engendra cette épidémie spirituelle de notre siècle fut la xénophobie : la haine ou du moins la peur de l’autre. On se défendait 
partout contre l’étranger, partout on l’excluait.

Toutes les humiliations qu’autrefois on avait inventées exclusivement contre les criminels, on les infligeait maintenant à tous les voyageurs avant et pendant le voyage.

Il fallait se faire photographier de droite et de gauche, de profil et de face, les cheveux coupés assez court pour que l’oreille fût visible, il fallait donner ses empreintes digitales, d’abord le pouce seul, puis les dix doigts, il fallait en plus présenter des certificats : de santé, de vaccination, de police, de bonne vie et mœurs, des recommandations, il fallait pouvoir présenter des invitations et des adresses de parents, il fallait fournir des garanties morales et financières, remplir des formulaires et les signer en trois, quatre exemplaires, et s’il manquait ne fût-ce qu’une feuille de ce tas de paperasses, 
on était perdu. »

(Stefan Zweig en 1942, à la fin de son livre 
"Le monde d'hier, souvenir d'un européen", texte testamentaire et autobiographique qu'il envoya à son éditeur la veille de son suicide au Brésil.)



mardi 16 octobre 2018

Si personne ne m'avait dit que c'était l'amour, j'aurais pensé que c'était une épée nue... (Phrase attribuée par Kipling à un poète hindou - Borges)


 
"Mais comment expliquerons-nous les enchantements de la Magie? — Par la sympathie que les choses ont les unes pour les autres, l'accord de celles qui sont semblables, la lutte de celles qui sont contraires, la variété des puissances des divers êtres qui concourent à former un seul animal : car beaucoup de choses sont attirées les unes vers les autres et sont enchantées sans l'intervention d'un magicien. La Magie véritable, c'est l'Amitié qui règne dans l'univers, avec la Haine, son contraire. Le premier magicien, celui que les hommes consultent pour agir au moyen de ses philtres et de ses enchantements, c'est l'Amour : car, c'est de l'amour naturel que les choses ont les unes pour les autres, c'est de la puissance naturelle qu'elles ont de se faire aimer les unes des autres, que découle l'efficacité de l'art d'inspirer de l'amour en employant des enchantements. Par cet art, les magiciens rapprochent les natures qui ont un amour inné les unes pour les autres; ils unissent une âme à une autre âme comme on marie des plantes éloignées ; en employant des figures qui ont des vertus propres, en prenant eux-mêmes certaines attitudes, ils attirent à eux sans bruit les puissances des autres êtres et les font conspirer à l'unité d'autant plus facilement qu'ils sont eux-mêmes dans l'unité".

(Plotin, Ennéade IV, Livre IV, XL)



mardi 3 juillet 2018

Je suis le chien qui a appris à jouer de la flûte. (David Gemell – la Légende de Marche-Mort)


YSEULT : Tu t'appelles Ondine, n'est-ce pas?
ONDINE : Oui. Et je suis une Ondine.
YSEULT : Tu as quel âge? Quinze ans?
ONDINE : Quinze ans. Et je suis née depuis des siècles. Et je ne mourrai jamais...
YSEULT : Pourquoi t'es-tu égarée parmi nous? Comment notre monde a-t-il 
bien pu te plaire?
ONDINE : Par les biseaux du lac, il était merveilleux.
YSEULT : Il l'est toujours, depuis que tu vis sèche?
ONDINE : Il est mille moyens d'avoir de l'eau devant les yeux.

[...]

YSEULT : Veux-tu mes conseils, chère petite Ondine?
ONDINE : Oui, je suis une ondine.
YSEULT : Tu peux m'écouter, tu as quinze ans.
ONDINE : Quinze ans dans un mois. Et je suis née depuis des siècles 
et je ne mourrai jamais. 

[…]

YSEULT : Ondine, disparais! Va-t-en!
ONDINE : Avec Hans?
YSEULT : Si tu veux ne pas souffrir, si tu veux sauver Hans, plonge 
dans la première source venue... Va-t-en!
ONDINE : Avec Hans? Il est si laid dans l'eau!
YSEULT : Tu as eu avec Hans trois mois de bonheur. Il faut t'en contenter. 
Pars pendant qu'il est temps encore.
ONDINE : Quitter Hans? Pourquoi?
YSEULT : Parce qu'il n'est pas fait pour toi. Parce que son âme est petite.
ONDINE : Moi je n'en ai pas. C'est encore pire!

YSEULT : La question ne se pose pas pour toi, ni pour aucune créature non humaine. L'âme du monde aspire et expire par les naseaux et les branchies. Mais l'Homme a voulu son âme à soi. Il a morcelé stupidement l'âme générale. Il n'y a pas d'âme des Hommes. Il n'y a qu'une série de petits lots d'âmes où poussent de maigres fleurs et de maigres légumes. Les âmes d'Hommes avec les saisons entières, avec le vent entier, avec l'amour entier, c'est ce qu'il t'aurait fallu.[...] Mais ne vois-tu pas que tout ce qui est large en toi, Hans ne l'a aimé que parce qu'il le voyait petit! Tu es la clarté, il a aimé une blonde. Tu es la grâce, il a aimé une espiègle. Tu es l'aventure, il a aimé une aventure. Dés qu'il soupçonnera son erreur, tu le perdras...

ONDINE : Hans ne le verra pas. Si c'était Bertram, Bertram le verrait. Mais je me doutais du danger. Entre tous les chevaliers, j'ai choisi le plus bête...
YSEULT : Le plus bête des Hommes voit toujours assez clair pour devenir aveugle.

ONDINE : Alors, je lui dirai que je suis une ondine!
YSEULT : Ce serait pire. Peut-être es-tu pour lui, en ce moment, une espèce d'ondine, mais parce qu'il ne croit pas que tu en es une. La vraie ondine, pour Hans ce ne sera pas toi, mais dans quelque bal travesti, Bertha avec un caleçon d'écailles.

ONDINE : Si les Hommes ne savent pas supporter la vérité, je mentirai!
YSEULT : Que tu cherches la vérité ou le mensonge, chère enfant, tu ne tromperas personne et tu offriras aux Hommes ce qu'ils détestent le plus.
ONDINE : La fidélité?
YSEULT : Non. La transparence. Ils en ont peur. Elle leur paraît le pire secret.

(Ondine – Scène Onzième - Giraudoux)

dimanche 10 juin 2018

Si ce qui arrive paraît tel que des êtres humains ne puissent pas permettre que de telles choses arrivent... alors, c'est que vous n'avez pas lu les histoires de votre temps. (Rouge, Noir & Ignorant - Edward Bond)


 3
J'espère que ce livre te plaira, fidèle lecteur. Je crains qu'il ne te plaise pas autant qu'un roman, parce que la plupart d'entre vous avez oublié les réels plaisirs que procurent les nouvelles. La lecture d'un bon gros roman est à maints égards comparable à une longue liaison satisfaisante. [...] La nouvelle c'est tout autre chose, c'est comme le baiser furtif d'une inconnue dans le noir. Rien à voir bien sûr, avec une liaison ou un mariage, mais les baisers peuvent être suaves et leur extrême brièveté exerce en elle-même une attraction. 
Avec le temps, écrire des nouvelles n'est pas devenu plus facile pour moi, c'est devenu plus difficile. D'un côté, le temps à leur consacrer s'est rétréci. D'un autre côté, elles ne cessent de vouloir gonfler (j'ai un réel problème de gonflement - j'écris comme les grosses dames mangent). Et il me semble difficile de trouver le ton pour ces récits - 
trop souvent Mr X se contente de flotter et s'éloigne.
La seule chose à faire est de poursuivre, il me semble. Plutôt que de tout laisser tomber, mieux vaut continuer de donner des baisers, même si parfois on récolte une claque.

4
Très bien. C'est tout pour l'instant.
Puis-je remercier quelques personnes (vous pouvez sauter ce passage si vous voulez)?
[...]
J'ai une dette envers presque tout un chacun et je pourrais nommer tout le monde, mais je ne vais pas vous ennuyer plus longtemps. Mes plus vifs remerciements à toi, fidèle lecteur, comme toujours, parce que tout revient à toi pour finir. Sans toi, le courant ne passerait pas dans ce circuit. Si quelque chose dans ce livre te plaît, t'emballe, te permet de passer l'ennuyeuse pause déjeuner, le voyage en avion, ou une heure de colle pour avoir balancé des boulettes en papier, alors tu es payé en retour.

5
Bon... les pubs sont finies. Accroche-toi à mon bras maintenant. Serre fort. Nous allons entrer dans bien des lieux sombres, mais je crois connaître le chemin. Ne lâche pas mon bras, c'est tout. Et si je devais t'embrasser dans le noir, ce ne serait pas 
une grande affaire, ce serait simplement que je t'aime.

Maintenant, écoute.

(Stephen King - Préface de Brume, le 15 avril 1984 - Bangor, Maine)

                                          (Vierge à l'enfant - Artemisia Gentilesci)

jeudi 10 mai 2018

jeudi 19 avril 2018

Comment la fin justifierait-elle les moyens? Il n'y a pas de fin, seulement des moyens à perpétuité. (René Char - L'Âge cassant)


 
Le Marketing, c'est quoi?

Vu par les femmes :

Tu es dans une soirée, tu vois un mec qui te plaît, tu t'approches et tu lui dis :
"Je suis super bonne au plumard".
Ça, c'est du Marketing Direct.

Tu es dans une soirée, tu es avec un groupe d'amis, tu vois un mec qui te plaît, 
un de tes amis s'approche et il lui dit :
"Tu vois cette nana, elle est super bonne au plumard".
Ça, c'est de la Publicité.

Tu es dans une soirée, tu vois un mec qui te plaît, tu t'approches, lui demandes son numéro de téléphone. Le lendemain tu l'appelles et tu lui dis :
"Je suis super bonne au plumard".
Ça, c'est du Télémarketing.

Tu es dans une soirée, tu vois un mec que tu connais, tu t'approches, 
tu lui rafraîchis la mémoire et tu lui dis :
"Tu te souviens comment je suis super bonne au plumard..?"
Ça c'est du Customer Relashionship Management (ou Gestion de Relation Client).

Tu es dans une soirée, tu vois un mec qui te plaît, tu te lèves, tu t'arranges un peu les fringues, tu t'approches, tu lui sers un verre. Tu lui dis qu'il sent bon, qu'il est bien sapé, tu lui offres une clope et tu lui dis : "Je suis super bonne au plumard".
Ça c'est de la Relation Publique.

Tu es dans une soirée, tu vois un mec qui te plaît, tu t'approches et tu lui dis :
"Je suis super bonne au plumard" (et en plus, tu lui montres tes seins.)
Ça, c'est du Merchandising.

Tu es dans une soirée, un mec s'approche et te dit :
"J'ai entendu dire que t'es super bonne au plumard".
Ça c'est du Branding (le Pouvoir de la Marque).

Vu par les hommes:

Tu es dans une soirée, tu vois une nana qui te plaît, tu t'approches et tu lui dis :
"Je suis une bête sexuelle, je suis super bon au plumard et en plus je tiens toute la nuit".
Ça c'est de la Publicité Mensongère (et c'est puni par la loi).

Tu es dans une soirée, tu vois une nana qui te plaît, tu la mates avec des potes,
tu fais des réflexions très fines, tu te bourres la gueule,
tu ne fais rien du tout et tu rentres bredouille.
 Ça c'est la Réalité du Marché.



dimanche 15 avril 2018

The sun is also a warrior. Knowledge can also destroy. Nor can the kindest will, Preserve you from the kill. Not all of wisdom brings joy. (Leslie Fish)


Il faut laisser le bas aller jusqu'au bas, laisser la décomposition organique du monde se poursuivre. C'est vers la fin déjà, ça va vers sa fin, il ne faut rien toucher à l'agonie en cours, ne surtout pas réparer ce qui se détraque – autant mettre du fond de teint sur les joues cireuses d'une morte. Laisser proliférer les images aveugles : quelque chose
vient par en-dessous, quelque chose vient à notre rencontre. 

Il y a dans la douleur une pureté infatigable, la même que dans la joie, et cette pureté
est en route dessous les tonnes d'imaginaire congelé.
 […]

Je distrais, dit la télévision, et elle ne fait plus rire depuis longtemps.

On ne peut pas faire de la culture pour tout le monde, dit la télévision, et on n'ose pas lui répondre que ce n'est pas un problème de culture mais d'intelligence, ce qui n'est pas du tout du même ordre. L'intelligence n'est pas affaire de diplômes. Elle peut aller avec mais ce n'est pas son élément premier. L'intelligence est la force, solitaire, d'extraire du chaos de sa propre vie la poignée de lumière suffisante pour éclairer un peu plus loin 
que soi – vers l'autre là-bas, comme nous égaré dans le noir.

Je donne dans le sentiment, dit la télévision, et on n'a pas le courage de lui montrer l'abîme qu'il y a entre le sentiment et la sensiblerie. 

C'est pas moi, dit la télévision à bout de course, c'est le peuple, je fais ce que veut le peuple – et il n'y a plus qu'à se taire devant l'analphabétisme grave de la télévision 
et de ceux qui la font. Le mot de peuple est un des plus beaux de la langue française. Il dit le manque et l'entêtement, la noblesse des gueux sous l'incurie des nobles. Il dit le contraire exact de ce que dit la télévision.

dimanche 1 avril 2018

"Je voudrais vous parler de tout cela. […] J’attendrai un mot de vous qui m’indiquera un jour et une heure. Faites que ce soit bientôt..." (Lettre de Marie Dorval à Victor Hugo)



Si je lis un livre et qu’il rend mon corps entier si froid qu’aucun feu ne pourra jamais 
me réchauffer, je sais que c’est de la poésie. 
Si je ressens physiquement comme si le sommet de la tête m'était arraché, 
je sais que c’est de la poésie. 
Ce sont mes seules manières de la reconnaître. 
En existe-t-il d’autres ?

(E. Dickinson, Y aura-t-il pour de vrai un matin?)


dimanche 25 mars 2018

''De la Nourriture-en-Boîte-pour-Dragons''?! Foutus praticiens avec leur jargon... 'peuvent pas dire ''des Chevaliers'' comme tout le monde? (Déchiffrer la trame – J-C Dunyach)

 
Sagesse, qui créa toute chose, m'enseigna
Car il existe en Elle une puissance qui est intelligente et sacrée
Unique, diverse et sublime,
Mobile, claire et indéfinie,
Distincte, compassionnée, bienveillante et pertinente
Libre, bénéfique et généreuse,
Ferme, assurée, autonome
Influant tout et observant tout
Et pénétrant tous les êtres
Qui sont intelligents, purs et aussi subtiles qu'Elle,
Car Sagesse est plus mobile que tout mouvement
Et Elle imprègne et pénètre toute chose
Car Elle est l'exhalation incarnée de la puissance divine.

(L'Hymne à Sophia - La Sagesse de Salomon)


dimanche 18 mars 2018

Méfiez vous des gymnastes ils ne connaissent que les postures ! (Prince Liu Han - traité N°7 du Houai Nan Tseu, Wainanzi)

 
Et Kerry, s’il te plaît, pour l’amour du Ciel, aies le sens de l’humour. C’est une des bénédictions et des vertus que tu n’apprendras jamais au catéchisme. Mais c’est un don de Dieu aussi merveilleux que la foi, l’espoir et la bonté… […]

Lorsque j’allais à l’école à Pittsburgh quand j’étais petit garçon, j’avais toujours peur de faire quoi que ce soit de ''différent''. Il fallait toujours que je fasse comme les autres garçons. Même si parfois je n’en avais pas vraiment envie. Si un garçon en embêtait un autre, et que les autres le suivaient, il semblait normal de le faire puisque tout le monde le faisait. Essaie d’avoir assez de courage, Kerry, pour ne pas faire quelque chose 
juste parce que tout le monde le fait.

Je me souviens quand ma mère m’a envoyé prendre des cours de danse. J’étais pour ainsi dire dans une bande, et ils pensaient tous que danser, c’était pour les chochottes, et que les vrais mecs ne faisaient pas ce genre de choses. Je me battais souvent
en allant à la danse et puis quand je retournais à la maison, distribuant et recevant
des yeux au beurre noir dans ces nombreuses bagarres qui m’opposaient aux
enfants qui m’embêtaient.[...]

Bien sûr, Kerry, qu’en étant une petite fille, tu n’auras pas exactement les mêmes problèmes que ceux que j’ai eus quand j’étais petit garçon. Mais tu en auras qui y ressembleront. Et quand tu devras leur faire face, essaie d’avoir le courage de prendre tes propres décisions, même si pour ça tu dois être différente.

Car tu vois bien comme de telles choses peuvent te réussir. Je suis au théâtre aujourd’hui. Je suis un danseur. Alors, Kerry, si une chose te tient vraiment à cœur, n’aies pas peur de la faire, quel que soit le nombre de personnes qui se moquent de toi. Dis toi que si tu tiens tant à faire une chose, c’est qu’elle doit être faite. C’est la même chose pour l’école, Kerry. Essaie de trouver ce que tu as le plus envie de faire. Personnellement, j’espère que tu iras à l’université. Mais si tu décides du contraire, ce n’est pas grave. Parce que ce que tu tireras de tes études sera proportionnel à ton investissement. J’ai perdu beaucoup d’années quand j’étais à la fac — mais ce n’était la faute de personne à part moi. Plus les efforts sont importants, plus on acquiert de l’expérience. Personne n’apprend quelque chose quand on lui lance à la figure, même si
quelques connaissances restent.

(Lettre de Gene Kelly à sa fille Kerry, mars 1943)

jeudi 15 mars 2018

Quand un fonctionnaire a trouvé un bon cercle vicieux, un "de-deux-choses-l'une" doublement sans issue, quittez-le sur la pointe des pieds : laissez-le à sa joie... (Chiens perdus sans collier - Gilbert Cesbron)


 
Ô esprit ! Pourquoi t'abandonner aux pensées vaines ?
Ce faste rituel et ce culte sont vains,
Qui accroissent encore la vanité de l'esprit !
Que ta prière à Elle soit secrète, que nul n'en sache rien.
À quoi bon ces poupées de métal ou de cuivre ou de terre ?
Ne sais-tu pas, insensé, que l'univers entier est l'image de la Mère ?
Tu apportes une poignée de graines, effronté,
comme une offrande à la Mère, à Celle
qui nourrit le monde d'aliments délicieux !
À quoi bon, fou, illuminer ainsi de lanternes, de bougies et de lampes ?
Fais plutôt que grandisse la lumière de l'esprit,
qu'il dissipe sa propre ténèbre, nuit et jour.
Tu as amené d'innocentes chevrettes au sacrifice.
Égoïsme cruel !... Pourquoi ne pas dire : VICTOIRE A KALI !
Et sacrifier tes passions, ennemies véritables.
Pourquoi frapper les tambourins ?
Dépose plutôt ton esprit à Ses pieds en disant :
''Que ta volonté, ô Kali, soit faite !''
Et puis bat des mains.

(Ramprasad Sen, A la Mère Divine <Maa Kali>)

(Rêverie du soir, Alphonse Mucha)

mercredi 14 mars 2018

Je ne partage pas mes pensées pour changer celles des autres. Je partage mes pensées pour que ceux qui pensent déjà comme moi sachent qu'ils ne sont pas seuls. (Anonyme)

 
Meet me on the battlefield
Even on the darkest night
I will be your sword and shield,
Your camouflage and you will be mine

Echoes of the shots ring out
We may be the first to fall
Everything could stay the same
Or we could change it all

Meet me on the battlefield


(Repos de la Nuit - Alphonse Mucha, 1899)

vendredi 9 mars 2018

On m'a nourrie derrière des barreaux dans une marmite de fer ; mais une nuit je sentis que j’étais Bagheera - la panthère - et non pas un jouet pour les hommes, je brisai la misérable serrure d’un coup de patte, et m’en allai. (Le Livre de la Jungle - Rudyard Kipling)

 
Comme j’étais malheureuse, j’ai décidé que j’étais moche. Du coup, j’ai longuement traîné sur des forums de moches. (Parce qu’évidemment, sur les forums beauté, c’est pas des meufs trop belles qui viennent poster parce que les meufs trop belles, ce temps précieux, elles le consacrent à niquer et elles ont bien raison). 

Et finalement, j’ai décidé d’aller chez le coiffeur. Ça, ça prouve que j’étais vraiment désespérée. Je suis nulle en deux choses dans la vie : en chaussures et en cheveux. Du coup, j’en achète jamais (ni des chaussures ni des cheveux, vous avez bien compris).

J’ai toujours choisi des coiffeurs qui me maltraitaient, des coiffeurs qui sentaient qu’ils pourraient facilement avoir l’ascendant sur moi, ce qui m’arrange parce que je suis une soumise du cheveu. J’entretiens clairement un rapport sadomasochiste 
avec mes coiffeurs.[…] 

Il y a quelques années, quand j’ai découvert Ben le coiffeur, j’étais convaincue que je ne pourrais décemment pas trouver un coiffeur qui me traiterait plus mal que lui. (Ni un coiffeur chez qui je pourrais fumer.) Ben m’insultait, me disait que j’étais moche, que mes cheveux étaient affreux et surtout, surtout, il ne me demandait même pas ce que je voulais comme coupe vu que dans son esprit j’étais une sombre merde à peine capable d’articuler trois mots: « Bonjour, combien, merci ». Et le fait que je m’obstine à lire du Roland Barthes pendant qu’il m’insultait n’y changeait rien.

Malheureusement, Ben a dû fermer son salon (mais proposait de venir me massacrer chez moi) et j’ai dû changer de coiffeur. Et alors, j’ai rencontré Caro. Pur miracle. Soyons clair : Caro me terrorise. Caro ne me reconnait jamais (en même temps, j’y vais une fois l’an). Caro n’aime pas trop son travail. En règle générale, Caro est toujours de mauvaise humeur. (Caro est très française.) Caro a une putain de classe de ouf. J’imagine très bien que Caro était la rebelle la plus cool de son lycée.




dimanche 4 mars 2018

In most movies, the job of the woman is to sit at home, worrying, while the guy does shit. In most long-form TV shows -it seems to me- the women are out there doing shit. I like that. (Stephen King)





(Séance de Modèle Vivant - Thème : Frida Kahlo avec Le Cabaret du Cœur Fendu)

    XVIII
    Longtemps encore, chercherai-je à combler de pierres l’Océan ? Je n’ai que mépris pour les libertins et les dévots. Khayyâm, qui peut affirmer que tu iras au Ciel ou dans l’Enfer ? D’abord, qu’entendons-nous par ces mots ?
    Connais-tu un voyageur qui ait visité ces contrées singulières ? [...] 

    XXI
    Quand suis-je né? Quand mourrai-je? Aucun homme ne peut évoquer le jour de sa naissance et désigner celui de sa mort. Viens, ma souple bien-aimée ! Je veux demander à l’ivresse de me faire oublier que nous ne saurons jamais. [...] 

    XXIII
    Pourquoi t’affliges-tu, Khayyâm, d’avoir commis tant de fautes ! Ta tristesse est inutile. Après la mort, il y a le néant ou la Miséricorde

    XXIV
    Dans les monastères, les synagogues et les mosquées se réfugient les faibles que l’Enfer épouvante. L’homme qui connaît la grandeur d’Allah ne sème pas dans son cœur les mauvaises graines de la terreur et de l’imploration.

    XXV
    Au printemps, je vais quelquefois m’asseoir à la lisière d’un champ fleuri. Lorsqu’une belle jeune fille m’apporte une coupe de vin, je ne pense guère à mon salut. Si j’avais cette préoccupation, je vaudrais moins qu’un chien.

    XXVI
    Le vaste monde: un grain de poussière dans l’espace. Toute la science des hommes: des mots. Les peuples, les bêtes et les fleurs des sept climats: des ombres. Le résultat de ta méditation perpétuelle: rien.

    XXVII
    Admettons que tu aies résolu l’énigme de la création. Quel est ton destin ? Admettons que tu aies pu dépouiller de toutes ses robes la Vérité. Quel est ton destin ? Admettons que tu aies vécu cent ans, heureux, et que tu vives cent ans encore. Quel est ton destin ?

    XXVIII
    Pénètre-toi bien de ceci: un jour, ton âme tombera de ton corps, et tu seras poussé derrière le voile qui flotte entre l’univers et l’inconnaissable. En attendant, sois heureux ! Tu ne sais pas d’où tu viens. Tu ne sais pas
    où tu vas.

    XXIX
    Les savants et les sages les plus illustres ont cheminé dans les ténèbres de l’ignorance. Pourtant, ils étaient les flambeaux de leur époque. Ce qu’ils ont fait? Ils ont prononcé quelques phrases confuses, et ils se sont endormis.

    (Rubayat - Omar Khayam - Traduits par Franz Toussaint)

mercredi 28 février 2018

Nous sommes frères et je t'ai mesuré de la tête aux pieds. (George Sand)

  
- Salut, gardeur de troupeaux,
là-bas au bord de la route,
que te dit le vent qui passe ?

- Qu'il est le vent et qu'il passe,
qu'il est déjà passé
et qu'il repassera.
Et à toi, que dit-il ?

- Bien d'autres choses encore
il me parle de bien autre chose.
De mémoires et de nostalgies
et de choses qui ne furent jamais.

- Tu n'as jamais écouté le vent.
Le vent ne parle que du vent.
Ce que tu prétends là est mensonge
et le mensonge est en toi.

(Fernando Pessoa - Le gardeur de troupeau)

(*)