samedi 27 janvier 2018

Le sang est plus voyant que le souffle/ Mais ne peut danser aussi bien. (Car l'adieu c'est la nuit – Emily Dickinson)

  (La jeune fille à la perle - Johannes Vermeer)

Do not stand at my grave and weep; 
Ne reste pas à te lamenter devant ma tombe ;
I am not there. I do not sleep. 
Je n'y suis pas. Je n'y dors pas.
When you awaken in the morning's hush,
I am the swift uplifting rush. 
Dans le silence feutré de la clarté du matin,
Je suis l'oiseau au vol rapide de ton réveil.

I am a thousand winds that blow. 
Je suis le souffle d'un millier de vents.
I am the diamond glints on snow. 
Je suis le miroitement diamantin sur la neige.
I am the sunlight on ripened grain. 
Je suis l'ensoleillement qui jaunit le grain mûr.
I am the gentle autumn rain. (bis)
Je suis la douce pluie d'automne.

Some quiet birds in circling flight. 
Des oiseaux volant paisiblement en cercle.
I am the soft stars that shine at night. 
Je suis toute étoile légère éclairant la nuit.
Oh, do not stand at my grave and cry; 
I am not there. I did not die. 
Oh, ne reste pas à pleurer devant ma tombe ;
Je n'y suis pas. Je ne meurs pas.

I am a thousand winds that blow. 
Je suis le souffle d'un millier de vents.
I am the diamond glints on snow. 
Je suis le miroitement diamantin sur la neige.
I am the sunlight on ripened grain. 
Je suis l'ensoleillement qui jaunit le grain mûr.
I am the gentle autumn rain. (bis) 
Je suis la douce pluie d'automne

Do not stand at my grave and weep; 
Ne reste pas à te lamenter devant ma tombe ;
I am not there. I do not sleep. 
 Je n'y suis pas. Je n'y dors pas.

(Mary Elizabeth Frye - LEAH)

 (Jeune orpheline au cimetière - Delacroix)

jeudi 25 janvier 2018

- Vous n'avez jamais douté? - J'ai douté. J'ai douté plus d'années que tu n'en as toi-même vécues... et je n'en regrette aucunes. (l'Encre du passé – Mael/Bauza)

 
(…) Vous me demandez mon âge ? Je n’ai fait aucun vers, sauf un ou deux, 
jusqu’à cet hiver, monsieur.

J’ai une terreur depuis septembre, que je ne peux dire à personne ; et ainsi je chante, comme l’enfant chante les cimetières, parce que j’ai peur.

Vous me demandez mes livres. En poètes, j’ai Keats, et M. et Mme Browning. En prose, M. Ruskin, Sir Thomas Brown, et l'Apocalypse. Je suis allée à l’école, mais selon votre manière de dire, n’ai pas eu d’éducation. Petite fille, j’avais un ami qui m’enseignait l’Immortalité ; mais se risquant trop près, lui-même, il n’est jamais revenu. Peu après la mort de mon tuteur, et pour plusieurs années, j’ai eu mon lexique comme seul compagnon. Puis j’en ai trouvé un nouveau, mais il n’était pas satisfait 
que je sois son étudiante, et il a quitté le pays.

Vous me demandez mes compagnons. Les collines, monsieur, et le couchant, et un chien aussi gros que moi, que m’a acheté mon père. Ils sont meilleurs que les êtres car ils savent, mais ne disent pas ; et le bruit dans le bassin à midi surpasse mon piano.

J’ai un frère et une sœur, ma mère ne s’intéresse pas aux idées, et père, trop occupé de dossiers pour remarquer ce que nous faisons. Il m’achète beaucoup de livres, mais me prie de ne pas les lire, car il a peur qu’ils ne n’embrouillent l’esprit. Ils sont pieux, sauf moi, et s’adressent à une éclipse, chaque matin, qu’ils appellent leur « Père ».

Mais je crains que mon histoire ne vous lasse. J’aimerais apprendre. Pourriez-vous me dire comment grandir, ou est-ce que ça ne s'enseigne pas, 
comme l’harmonie ou la sorcellerie ?

(Emily Dickinson – Lettre à T.W. Higginson, 25 avril 1862)


dimanche 21 janvier 2018

Faut causer à l’imparfait, parce que l’Angelino il est monté au ciel à Noël, rapport aux dragées de 11.43 qu’il a pas digérées le soir du réveillon. Tu vois, pèlerin, j’ai beau scanner la situasse au laser, et même si la géométrie c’est l’art de raisonner juste sur des figures fausses, j’comprends toujours pas comment Rizzuto a pu se faire dessouder en sortant de chez sa langouste. (Maria Chape de Haine - Le Poulpe)

 
Pastor souriait dans la pénombre de la chambre. Il prit une chaise, 
l'approcha du lit, s'assit posément.

- Bien. Raisonnons.

Il murmurait maintenant tout contre l'oreille de la dormeuse.

- Vous vous faites ouvrir le ventre et soigner les dents à l'étranger. Avec un peu de chance, la composition de votre couronne dentaire nous indiquera le pays. 
Deux hypothèses donc.

(On peut interroger n'importe qui, dans n'importe quel état ; ce sont rarement les réponses qui apportent la vérité, mais l'enchaînement des questions. C'est le Conseiller qui avait appris cela à Pastor, quand le petit Jean-Baptiste allait encore à l'école.)

- Ou vous êtes une belle étrangère assassinée sur le territoire français, peut-être une espionne puisqu'on vous a torturée, auquel cas l'affaire m'échappera, ce qui me fait d'emblée écarter cette hypothèse. Ou vous êtes tout simplement 
une voyageuse professionnelle.

Pastor laissa passer le bruit ferrailleux d'un chariot dans le couloir. Puis, il demanda :

- Professeur coopérant? (Il eut une moue sceptique.) Non, ce corps-là n'est pas un corps enseignant. Fonctionnaire d'Ambassade? Femme d'affaires?

Les formes vastes, les muscles denses, le visage volontaire évoquaient 
à la rigueur cette dernière image.

- Non plus : vos hommes vous auraient réclamée.

Pastor avait croisé quelques unes de ces jet-patronnes. Surprenant comme les hommes se désintégraient en leur absence.

- Tourisme? Vous faites dans le tourisme? Guide patient pour troupeau anxieux?

Non. Pastor n'aurait su dire pourquoi, mais non. 
Pas une tête à suivre des itinéraires fléchés.

- Journaliste, alors?

Il jouait avec cette idée, maintenant. Journaliste... reporter... photographe... 
quelque chose dans ce genre...

- Mais pourquoi son journal ne réclamerait-il pas une si belle plumitive,
 en cas de disparition?

Il promena encore son regard sur le corps tout entier. Belle fille. Beau squelette. 
Belle tête. Doigts nerveux et souples. Crinière naturelle.

- Parce que vous n'êtes pas une besogneuse au jour le jour qui alimente un quotidien, ni une reporter de palaces qui téléphone des papiers préfabriqués à l'heure de l'apéritif.

Non, il la voyait plutôt en journaliste de pointe, du genre à « faire corps avec le terrain », disparaissant pendant des semaines et n'émergeant qu'une fois son enquête bouclée. Historienne du présent, ethnologue d'ici-même, tout à fait le type de fille à apprendre ce qui devait rester caché. Et à vouloir le dire. Au nom d'une éthique de la transparence.

- C'est ça?

La porte s'était ouverte sans que Pastor l'entendît. La voix graillonneuse 
de Thian ironisa à son oreille.

- Ça ou une dactylo en vacances, ou une héritière encombrante...

- Les dactylos ne se font pas soigner à l'étranger et on ne torture pas les héritières Thian, on les coule directement dans le béton. Tu es un Annamite obtus, c'est très rare.

- Une sorte de Français, quoi. Allez, gamin, tirons-nous d'ici, les hôpitaux m'aggravent.

(La Fée Carabine – Daniel Pennac)





vendredi 19 janvier 2018

Et in Arcadia ego.


 
Vous me demandez mon avis, monsieur, sur l’expédition de Chine. Vous trouvez cette expédition honorable et belle, et vous êtes assez bon pour attacher quelque prix à mon sentiment ; selon vous, l’expédition de Chine, faite sous le double pavillon de la reine Victoria et de l’empereur Napoléon, est une gloire à partager entre la France et l’Angleterre, et vous désirez savoir quelle est la quantité d’approbation que je crois pouvoir donner à cette victoire anglaise et française.

Puisque vous voulez connaître mon avis, le voici :

Il y avait, dans un coin du monde, une merveille du monde ; 
cette merveille s’appelait le Palais d’été. […]

Imaginez on ne sait quelle construction inexprimable, quelque chose comme un édifice lunaire, et vous aurez le Palais d’été. Bâtissez un songe avec du marbre, du jade, du bronze, de la porcelaine, charpentez-le en bois de cèdre, couvrez-le de pierreries, drapez-le de soie, faites-le ici sanctuaire, là harem, là citadelle, mettez-y des dieux, mettez-y des monstres, vernissez-le, émaillez-le, dorez-le, fardez-le, faites construire par des architectes qui soient des poètes les mille et un rêves des mille et une nuits, ajoutez des jardins, des bassins, des jaillissements d’eau et d’écume, des cygnes, des ibis, des paons, supposez en un mot une sorte d’éblouissante caverne de la fantaisie humaine ayant une figure de temple et de palais, c’était là ce monument. Il avait fallu, pour le créer, le lent travail de deux générations. Cet édifice, qui avait l’énormité d’une ville, avait été bâti par les siècles, pour qui ? Pour les peuples. Car ce que fait le temps appartient à l’homme. Les artistes, les poètes, les philosophes, connaissaient le Palais d’été ; Voltaire en parle. On disait : le Parthénon en Grèce, les Pyramides en Égypte, le Colisée à Rome, Notre-Dame à Paris, le Palais d’été en Orient. Si on ne le voyait pas, on le rêvait. C’était une sorte d’effrayant chef-d’œuvre inconnu entrevu au loin dans on ne sait quel crépuscule, comme une silhouette de la civilisation d’Asie sur l’horizon 
de la civilisation d’Europe.

Cette merveille a disparu.

Un jour, deux bandits sont entrés dans le Palais d’été. L’un a pillé, l’autre a incendié. La victoire peut être une voleuse, à ce qu’il paraît. […] Tous les trésors de toutes nos cathédrales réunies n’égaleraient pas ce splendide et formidable musée de l’orient. Il n’y avait pas seulement là des chefs-d’œuvre d’art, il y avait un entassement d’orfèvreries. Grand exploit, bonne aubaine. L’un des deux vainqueurs a empli ses poches, 
ce que voyant, l’autre a empli ses coffres ; et l’on est revenu en Europe, 
bras dessus, bras dessous, en riant. Telle est l’histoire des deux bandits.

Nous, Européens, nous sommes les civilisés, et pour nous, les Chinois sont les barbares. Voilà ce que la civilisation a fait à la barbarie.

Devant l’histoire, l’un des deux bandits s’appellera la France, l’autre s’appellera l’Angleterre. […] L’empire français a empoché la moitié de cette victoire et il étale aujourd’hui avec une sorte de naïveté de propriétaire, 
le splendide bric-à-brac du Palais d’été.

J’espère qu’un jour viendra où la France, délivrée et nettoyée, 
renverra ce butin à la Chine spoliée.

En attendant, il y a un vol et deux voleurs, je le constate.

Telle est, monsieur, la quantité d’approbation que je donne à l’expédition de Chine.

(Victor Hugo – Lettre au Capitaine Butler, 1861)

 

vendredi 12 janvier 2018

J’ai trouvé la définition du Beau, de mon Beau. C’est quelque chose d’ardent et de triste…(Baudelaire, Fusées)


   Je me suis retourné vers le parc pour respirer à fond. Une pie jacassait dans les genévriers et, au-delà de la clôture, les voitures filaient dans la rue. D'énormes nuages gris roulaient vers Paris, vers l'est, et la vapeur qui sortait de ma bouche était presque transparente. J'ai eu un haut-le-cœur mais plus rien à régurgiter, aussi la crispation de mon estomac fut un spasme douloureux. D'une manière générale, je n'allais pas très bien.

- L'oiseau là dit que Georges est chez Lisa.

   Je me suis retourné brusquement. Au fond de la pièce, à côté de la cheminée, quelque chose ou quelqu'un, nu, dans un état de crasse avancée se tenait debout. Mon cœur s'est emballé brusquement et je me suis demandé à quoi pouvait bien servir tout l'air contenu dans la pièce, puisqu'il n'arrivait plus à pénétrer dans mes poumons.
   Au-dessus du corps, il y avait une tête. Des yeux bridés, un regard inexpressif. Une gamine de huit ou dix ans, probablement trisomique. Une mongolienne.

- L'oiseau? ai-je demandé.

   La gamine a couru vers moi sur ses jambes arquées, malhabile et déhanchée. Ça a été plus fort que moi, j'ai relevé mon pistolet. Elle s'est arrêtée. Nous nous sommes regardés. Dans ses yeux est passé quelque chose de plus que l'humanité, quelque chose dans lequel on pouvait se noyer. J'ai haussé les épaules avant de ranger le Glock dans ma poche. La gamine a continué vers moi. Elle s'est appuyée le front contre la rambarde, les mains cramponnées aux festons métalliques du garde-fou. La pie continuait à piailler dans les taillis.

- L'oiseau-là, dit-elle.
- Et l'oiseau-là dit que je suis chez Lisa? Qui est Lisa? C'est toi?
- Lisa, affirma-t-elle en posant sa main sur sa poitrine.
- Tu parles bien.
   Ses mains se sont crispées sur la rampe.
- Lisa parle depuis toujours. Personne n'entend. Que les fleurs-là et les oiseaux-là. Les animaux-là. Et le grand-là, dit-elle en désignant le chêne centenaire.
- Tu n'as pas froid? Tu ne veux pas t'habiller?
- Lisa sait comment faire pour régler les échanges calorifiques avec le monde-là. Depuis l'opération.

    Je me suis assis sur le sol, adossé à la rambarde. J'ai appuyé ma tête contre le métal, les yeux fixés vers le plafond. Mes genoux s'entrechoquaient. J'avais dû passer une frontière à un certain moment, mais je ne savais plus quand. La pie faisait un vacarme du diable, les nuages roulaient en grondant, ou bien tout cela était dans mon esprit, comme d'imaginer qu'une mongolienne de huit ans parlait d'échanges calorifiques, comme d'imaginer qu'elle parlait, tout simplement.
   Elle s'est tournée vers moi, s'est assise à mes côtés.

- Lisa sent Georges fatigué.
- Tu ne veux pas te taire s'il te plaît? De toute façon, tu ne peux pas parler. C'est moi qui invente tout ça.

   Elle a levé les yeux vers le plafond, comme pour vérifier que ce que je regardais valait le détour.

- Lisa a un cadeau pour Georges, déclara-t-elle en bondissant vers la cheminée.

    C'était un saut de trois mètres au moins. Cela ne pouvait donc pas avoir eu lieu. Elle est revenue vers moi les mains dans le dos, avec un sourire bizarre – un sourire d'ailleurs – dans lequel il était difficile de deviner une expression. Devant moi, elle s'est dandinée avant de me mettre une boîte en plastique sous le nez. Une boîte de CD. J'ai tendu la main. Sur le CD était inscrit Mac Gregor.

- Mac Gregor est Georges-là, affirma-t-elle en posant sa main sur ma poitrine.
- Oui, Lisa a raison, ai-je acquiescé […] C'est peut-être important pour moi. Et toi, qu'est-ce que tu vas faire?
- Lisa attend. Lisa regarde les livres. 

    Elle s'est levée brusquement. D'un nouveau bond prodigieux, elle a filé dans une autre pièce, dont l'entrée se trouvait dans le couloir. Je me suis relevé en m'appuyant sur la rambarde […] Quand elle réapparut, elle portait deux livres de grand format.

- Les livres de Lisa.

   Je les ai pris : Richard Feynman : cours de physique de Berkeley. Tome 7 : Physique statistique. Et puis : Ilya Prigogine : Thermodynamique et équilibres irréversibles. Je les lui ai rendus avec le souffle court.

- Il y en a beaucoup encore, dit-elle. Je les ai presque tous regardés.
- Tu arrives à lire ça? ai-je demandé d'un ton incrédule.
- Lisa ne sait pas lire les mots. Juste les chiffres. C'est facile.

   Je me suis appuyé contre l'encoignure. L'air me manquait. […] 

- Georges fait du feu maintenant.
- Avec quoi je fais du feu? ai-je explosé. Tu sais pas en faire du feu, toi? T'as appris à régler ta température interne et tu sais pas faire du feu?
- Lisa a huit ans, Lisa peut pas bien manger toute seule, Lisa fait pipi n'importe où. Lisa joue avec les chiffres, Lisa peut calculer dans sept dimensions, huit même, quand la neige tombe. Mais Lisa ne sait pas faire le feu. Tiens, ajouta-t-elle en arrachant une dizaine de pages du bouquin de Feynman, pour le feu. Après je regarde Georges.
- Bordel, ai-je marmonné en saisissant les pages déchirées, c'est pas vrai! Qu'est-ce que la neige vient faire là-dedans?

    Je me suis approché de la cheminée, talonné par la petite. Avec mon briquet, j'ai enflammé une page. Les équations se sont tordues avant de disparaître. J'ai ajouté les autres, une par une, puis des trucs qui traînaient, comme les pots de yaourt en carton, les emballages de gâteaux apéritifs. Lisa m'a tendu les livres. J'ai eu une légère hésitation.

- Lisa connaît les livres-là. Georges met dans le feu-là.

   J'y suis allé de bon cœur finalement. Enfin, quand le feu a été bien amorcé, j'ai ajouté deux ou trois bûches. Puis, je me suis relevé pour contempler les flammes.

- Georges part, maintenant, a dit Lisa.

    Elle bavait, son visage était laid et sale, mais j'avais trouvé dans ces yeux-là une lueur surhumaine, ou trans-humaine ; une lueur étrangère, trop précoce pour durer et construire.

- Je rentre chez moi. Tu veux venir?

   C'était une phrase entièrement gratuite. Qu'aurais-je fait d'elle d'ailleurs? […] 

   J'ai descendu les escaliers, sinué le long du chemin et suis sorti dans la rue après avoir refermé la porte.[…] Je me suis assis sur la marche, fermement décidé à ne laisser entrer personne tant que la maison ne serait pas devenue un tas de cendres.


J.
Quand il est parti, Lisa ne savait pas ce que <Georges> avait dans tous ses niveaux subjacents. <Georges> a trop d'images dans la tête qu'il ne comprend pas. Mais il a fait un beau feu.
Lisa et < Ffchh > ont discuté pendant ce temps.
{ Il y a une chaine des possibles stochastiques, a-t-il dit. Il serait dommage que tu rejoignes le niveau quantique maintenant. Tourne-toi vers les étoiles. Écoute-les : elles te parlent de l'infini des mondes. Et elles chantent si bien...}
{ Oui, mais quand Lisa te reverra?}
L'eau coulait des yeux de Lisa.
{ Passe par le niveau des quarks-couleur, il m'est facile de capter ce canal. Je te donne les équations. Et avant de partir, donne-moi ton eau, le terrain est pauvre en azote.}
{ Quand <Georges> sera sorti.}
{ Il est sorti. Il monte la garde.}

(Gilles Card – Libera Me)


mercredi 10 janvier 2018

Si y a bien un truc qui surprend les élèves, c'est quand ils nous voient au supermarché, ou dans la rue. Genre ils remarquent à ce moment là qu'on est pas des démons enfermés dans le bahut à cause d'un maléfice millénaire. (Monsieur Le Prof)

 
- Je suis Solon Tofusin. Je viens voir le seigneur Gyre, déclara-t-il en arrivant 
devant les portes du domaine des Gyre.

- Le duc? demanda le garde.
Il poussa son casque en arrière et se gratta le front.
Quel nigaud!
- Oui, le duc Gyre.
Solon parla avec lenteur et insista sur chaque mot, mais il était tellement fatigué...
- C'est bien malheureux, dit le garde.
Solon attendit la suite, mais l'homme ne donna pas d'avantage de détails.
Ce n'est pas un nigaud, c'est un con!
- Le seigneur Gyre est parti?
- Nan.
Ah! c'est comme ça que ça se passe! Le rouquin aurait pu me prévenir.

- Je n'ignore pas que votre peuple a été victime de pillages pendant des millénaires et que les Ceurans les plus intelligents se sont installés dans les terres en abandonnant vos ancêtres sur la côte. Je sais que, au cours de l'attaque de votre village, les pirates séthis ont fait subir les derniers outrages à toutes les femmes présentables – en délaissant une fois de plus vos malheureux ancêtres. Ce n'est donc pas votre faute si vous êtes aussi laid qu'obtus, mais auriez-vous l'obligeance de faire un effort et de m'expliquer comment le seigneur Gyre peut être à la fois absent et présent? 
N'hésitez pas à employer des mots simples.

Contre toute attente, l'homme afficha une expression ravie :
- Vous n'avez pas de marques sur la peau, pas d'anneaux sur le visage, vous ne parlez même pas comme un poisson. De toute façon, vous êtes trop gros pour être un poisson. Laissez-moi deviner : quelqu'un vous a offert en sacrifice aux dieux marins, mais ces derniers n'ont pas voulu de vous et, quand les flots vous ont rejeté sur le rivage, vous avez été élevé par un troll femelle qui vous a pris pour un de ses rejetons?

- Elle avait une excuse : elle était aveugle.

Le garde éclata de rire et Solon décida qu'en fin de compte cet homme était sympathique. 

- Le duc Gyre est parti ce matin. Il ne reviendra pas.
- Il ne reviendra pas? Jamais, vous voulez dire?
- Ce n'est pas à moi de parler de ça. Mais en effet, il ne reviendra jamais – à moins que je me trompe. Il est allé prendre le commandement de la garnison de Vents Hurlants.
- Mais vous avez dit que le seigneur Gyre n'était pas parti.
- Le duc a confié la responsabilité de la maison Gyre à son fils jusqu'à son retour.
- Et il ne reviendra jamais.
- Vous comprenez vite pour un poisson. Son fils Logan est maintenant le Gyre.

(Brent Weeks – La Voie des Ombres)