dimanche 24 novembre 2013

« Enfuie, la splendeur terrestre, et mon deuil avec elle - et dans le même temps, ma mélancolie s’abîma dans un nouveau monde insondable. » (Novalis)


« Le monde est à qui naît pour le conquérir,
et non pour qui rêve, fût-ce à bon droit, qu'il peut le conquérir.
[...]
Croire en moi ? Pas plus qu'en rien...
Que la Nature déverse sur ma tête ardente
son soleil, sa pluie, le vent qui frôle mes cheveux ;
quant au reste, advienne que pourra, ou rien du tout...

Esclaves cardiaques des étoiles,
nous avons conquis l'univers avant de quitter nos draps,
mais nous nous éveillons et voilà qu'il est opaque,
nous nous éveillons et voici qu'il est étranger,
nous franchissons notre seuil et voici qu'il est la terre entière,
plus le système solaire et la Voie lactée et le Vague Illimité. »

(Fernando Pessoa)

vendredi 15 novembre 2013

"En ce moment, il y a une théorie moderne qui consiste à rendre les gens plus mobiles. Je pense que c'est pour les empêcher de s'enraciner, car il est plus facile de diriger des gens qui n'ont pas de racines. Ceux qui sont enracinés, c'est très difficile." (Henri Vincenot)


"Les religions du désert et les religions païennes sont opposées à tout point de vue : les premières sont monothéistes, les secondes sont polythéistes. Les unes placent l'Homme au dessus de la nature, les autres le placent dans la nature et vénèrent celle-ci. D'un côté on a une conception du temps linéaire, de l'autre une conception du temps circulaire, l'éternel retour. D'une part on a affaire à un message universel, d'autre part à l'identité d'un peuple. Ces différences évoquées ne sont que quelques exemples parmi tant d'autres. Avant le christianisme nous avions plusieurs religions païennes : la germanique, la celtique, la grecque, la romaine et la slave. La racine était la même…"(anonyme)

lundi 11 novembre 2013

Peut-être n'ai-je un moi que dans la mesure où je me sens en fait rejeté. (Ludwig Wittgenstein, Carnets de Cambridge et de Skjolden)


« Une heure vaste, solennelle, grande comme l'espace, sans divisions de minutes ni de secondes – une heure immobile qui n'est pas marquée sur les horloges, et cependant légère comme un soupir, rapide comme un coup d'oeil. Et, si quelque importun venait me déranger pendant que mon regard repose sur ce délicieux cadran, si quelque Génie malhonnête et intolérant, quelque Démon du contretemps venait me dire : « Que cherches-tu dans les yeux de cet être? Y vois-tu l'heure, mortel prodigue et fainéant? » je répondrai sans hésiter : « Oui, je vois l'heure; il est l'Eternité. » (Baudelaire)

lundi 4 novembre 2013

« Nous travaillons dans les ténèbres - nous faisons ce que nous pouvons - notre doute est notre passion et notre passion est notre tâche. Le reste est la folie de l'art. » (Henry James)







« Tu veux une âme, Arthur ? Une âme ! mais y songes-tu bien ? Veux-tu être comme les hommes ? veux-tu pleurer pour la mort d’une femme, pour une fortune perdue ? veux-tu maigrir de désespoir, tomber des illusions à la réalité ? Une âme ! mais veux-tu les cris de désespoir stupide, la folie, l’idiotisme ? une âme ! tu veux donc croire ? tu t’abaisserais jusqu’à l’espoir ? Une âme ! tu veux donc être un homme, un peu plus qu’un arbre, un peu moins qu’un chien ? »  

Rêve d’enfer – Première partie (Flaubert)

samedi 2 novembre 2013

« Est-ce que cela arrive ? » – « Non, cela n’arrive pas. » – « Quelque chose arrive cependant. »



« Jamais de sommeil entre eux, même s’ils dorment. Il a depuis longtemps accepté cela.

[...]

« Quand vos paroles seront au même niveau que les miennes, quand les unes et les autres seront ainsi égales, elles ne parleront plus. » – « Sans doute, mais entre elles se retiendra l’égalité silencieuse. » 

[...]

« Il m’attirait, il m’attirait sans cesse. » – « Où vous attirait-il ? » – « Eh bien, dans cette pensée que j’ai oubliée. » – « Et de lui, pouvez-vous mieux vous souvenir ? » – « Je ne le puis pas. Comme
 je l’ai oublié. Comme il m’attire, celui que j’ai oublié. »

Quand elle parle, et ses mots entraînés doucement, son visage glissant à son tour, s’enfonçant dans le cours de la parole égale, elle l’attire, lui aussi, dans ce même mouvement d’attrait où elle ne sait 
qui elle suit, qui la précède.
Comme s’il avait glissé, par l’attrait de l’affirmation sans mesure, vers cet espace vide où, 
la conduisant, la suivant, il demeure en attente entre voir et dire.

La nuit comme un mot unique, le mot fin répété sans fin. »

(Maurice Blanchot - l’Attente – l’Oubli / 1962)