jeudi 20 novembre 2014

« On fait de l’argent avec de l’argent et au lieu de parler des œuvres ou des produits eux-mêmes, on parle de l’argent qu’ils font. C’est de la pornographie pour trader. » (Oscar Barda)







    « Je sais que ces pensées de l’émotion font rage dans notre âme. Notre incapacité à imaginer à quoi elles peuvent correspondre, ou à trouver quoi que ce soit pour remplacer ce qu’elles étreignent en vision - tout cela nous pèse comme une condamnation, infligée nous ne savons 
    ni où, ni par qui, ni pourquoi.

    Mais ce qui nous en reste, sans nul doute, c’est un dégoût de la vie et de toutes ses actions, une lassitude anticipée de tous les désirs et de toutes leurs manifestations, un dégoût anonyme de tous les sentiments. Dans ces heures de subtile mélancolie, il nous devient impossible, même en rêve, d’être amoureux, d’être héroïque, d’être heureux. Tout cela est vide, jusque dans l’idée de ce qu’il est. Tout cela nous est dit dans une autre langue, incompréhensible, suite sonore de syllabes qui ne prennent aucune forme dans notre esprit. La vie est creuse, notre âme est creuse, le monde entier est creux. Tous les dieux meurent, d’une mort plus profonde que la mort. Tout est plus vide que le vide. Tout se réduit à un chaos de choses inexistantes.

    Réfléchissant à tout cela, si je regarde autour de moi, pour voir si la réalité apaise ma soif, ce que je vois, ce sont des maisons sans expression, des figures sans expression, des gestes sans expression. Pierres, corps ou idées – tout cela est mort. Tous les mouvements sont arrêtés – en un même arrêt dans lequel ils se figent tous. Rien ne me dit rien. Rien ne m’est connu, non que je le trouve bizarre, mais parce que je ne sais ce que c’est. J’ai perdu le monde. Et tout au fond de mon âme – seule réalité de cet instant – il y a une douleur intense et invisible, une tristesse semblable au bruit d’un homme
     pleurant dans une pièce obscure. »

    (Fernando Pessoa, in "Le livre de l'intranquillité")