mercredi 3 juin 2015

Je me demande si la crise du français ne date pas du moment précis où les hommes ont commencé d’écrire en français. (Albert Croiset – Doyen de la Sorbonne)



«On perçoit souvent la mythologie comme quelque chose de très sérieux. Mythes fondateurs, divinités, tout ça… D’accord, mais il ne faudrait pas oublier que les mythes 
sont des réflexions de l’humanité. Et que l’humanité, parfois, elle picole. »  

(Sarah Bocelli - M@dmoizelle)

vendredi 15 mai 2015

I despise common sense. I've seen the world from every possible angle. This cruel, ridiculous, beautiful world. (Lacie – Pandora Hearts)

  
« Alors le soleil monta avec les pèlerins ; pourtant sa lumière ne dégageait aucune chaleur, mais un froid tranchant comme un sabre. Et l'horreur de ces altitudes stupéfiantes et le cauchemar de ces stupéfiants abîmes et la terreur du silence se faisaient toujours plus intenses, et pesaient sur le pèlerin, immobilisant ses pieds. Et tout à coup, ses forces l'abandonnèrent et il gémit doucement comme un dormeur gémit dans ses rêves.
- Hâtez-vous, mon fils, hâtez-vous, s'écria le boddhisatva. Car la journée est brève et la cime est encore très éloignée.
Mais le pèlerin poussa un cri perçant :
- J'ai peur! J'ai inexpressiblement peur! Et la force m'a abandonné.
- Elle vous reviendra, mon fils, répondit le boddhisatva. Regardez au-dessous de vous, et au-dessus et de tous les côtés et dîtes-moi ce que vous voyez!
- Je ne le puis, cria le pèlerin en tremblant et en s'agrippant à lui. Je n'ose regarder au-dessous de moi, car devant moi et tout autour je ne vois que des crânes humains.
- Et pourtant, mon fils, dit le boddhisatva en riant doucement, pourtant vous ne savez pas encore de quoi est composée cette montagne!
Et l'autre, frissonnant, répéta :
- J'ai peur. J'ai inexpressiblement peur, car je ne vois rien d'autre que des crânes humains.
- En effet, c'est bien une montagne de crânes, répondit le boddhisatva. Mais sachez, mon fils, qu'ils sont tous les vôtres... Chacun de ces crânes a été, à une époque quelconque, le nid de vos rêves, de vos illusions, de vos désirs. Pas un d'entre eux n'a appartenu à un autre que vous. »
 
(Sur la montagne des crânes d'hommes - Fragments par Lafcadio Hearn)

jeudi 23 avril 2015

Mon mystère, mon ignorance en somme, sont intacts. Curieuse virginité. Je dois mon peu de fortune et ma lumineuse misère au romanesque, cette vie qui propose la vie sans l'expliquer. (Jean-Claude Pirotte)




Clov (regard fixe, voix blanche)
 
Je me dis - quelques fois, Clov, il faut que tu arrives à souffrir mieux que ça, si tu veux qu'on se lasse de te punir - un jour. Je me dis - quelques fois, Clov, il faut que tu sois là mieux que ça, si tu veux qu'on te laisse partir - un jour. Mais je me sens trop vieux, et trop loin, pour pouvoir former de nouvelles habitudes. Bon, ça ne finira donc jamais, je ne partirai donc jamais. (Un temps) Puis un jour, soudain, ça finit, ça change, je ne comprends pas, ça meurt, ou c'est moi, je ne comprends pas, ça non plus. Je le demande aux mots qui restent - sommeil, réveil, soir, matin. Il ne savent rien dire. (Un temps) J'ouvre la porte du cabanon et m'en vais. Je suis si voûté que je ne vois que mes pieds, si j'ouvre les yeux, et entre mes jambes un peu de poussière noirâtre. Je me dis que la terre s'est éteinte, quoique je ne l'aie jamais vue allumée. (Un temps) Ça va tout seul. (Un temps) 
Quand je tomberai je pleurerai de bonheur.

(Samuel Beckett - Fin de partie - 1957)

lundi 13 avril 2015

Et la fête est tout ce qui reste quand les contenus idéologiques se sont à peu près egalisés ou indifférenciés. (Après l'Histoire - Philippe Muray)







    « Car on ne meurt ni dans l’unification titanesque des Anciens, ni dans la dissémination des Modernes. On meurt dans la langue aplatie des ministres et des hommes d’affaires, des technocrates et des chroniqueurs télévisuels.
    Une langue que tout le monde parle mais que personne n’écoute."  

    (Pacôme Thiellement – Le 1hebdo)

jeudi 2 avril 2015

« 100% of humans should practice an art. Probably 0% should try to make money off it. » (Austin Kleon)







"(...) il faut continuer, je ne peux pas continuer, il faut continuer, je vais donc continuer, il faut dire des mots, tant qu’il y en a, il faut les dire, jusqu’à ce qu’ils me trouvent, jusqu’à ce qu’ils me disent, étrange peine, étrange faute, il faut continuer, c’est peut-être déjà fait, ils m’ont peut-être déjà dit, ils m’ont peut-être porté jusqu’au seuil de mon histoire, devant la porte qui s’ouvre sur mon histoire, ça m’étonnerait, si elle s’ouvre, ça va être moi, ça va être le silence, là où je suis, je ne sais pas, je ne le saurai jamais, dans le silence on ne sait pas, il faut continuer, je ne peux pas continuer, 
je vais continuer." 

 (Samuel Beckett, "L’innommable", Les éditions de Minuit, 1953)