mardi 10 mars 2015

"Un dieu naît. D'autres meurent. La vérité n'est ni venue ni partie: l'Erreur seule a changé." (Fernando Pessoa)


« - Mais où sont passés les intellectuels ?
– Tu veux parler de ces gens censés penser pour nous ?
– C’est ça, on les appelle les intellectuels.
– Qu’ils restent dans leurs fauteuils feutrés. Aujourd’hui, on n’a pas besoin d’être quelqu’un qui pense à part pour défendre une cause commune. Toi et moi sommes peut-être des intellectuels qui s’ignorent.
– Sauf que nous sommes perdus, engagés dans l’arène et sans repères.
– Parce que tu penses que d’autres, moins déboussolés, sauraient nous montrer la voie ou qu’ils arriveraient à en identifier le point d’accès ?
– C’est ce qu’ils sont censés faire.
– Justement. Ils ne semblent plus en mesure de le faire.
– Le drame est que les gens, comme toi et moi, sortis dans la rue pour crier leur colère, gardent une longueur d’avance sur eux.
– Pourquoi tu dis ça ?
– Parce que toi et moi avons provoqué pour le coup un tournant que ces soi-disant intellectuels n’ont même pas perçu à l’horizon.
– Mais ce ne sont pas des devins, à ce que je sache.
– Si. Leur métier est bien d’analyser l’humain, le social, le politique. J’ai comme l’impression qu’ils ne voient pas l’essentiel.
– Ou le perçoivent vaguement mais hésitent à le nommer par rigueur scientifique.
– Ou n’osent pas le faire par frilosité politique.
– Parfois, le silence a autant de retentissement que la parole... »

(Le Métier d’intellectuel. Dialogues avec quinze penseurs du Maroc)





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