samedi 22 décembre 2012

Il me prit à témoin avec une mélancolie de poète : Crois-tu que c'est triste, un jardin sans tombeaux? (Colette)

"Il partait de son pas léger, et visitait, à quinze kilomètres à la ronde, tous les cimetières villageois, qu'il me racontait en explorateur.

- A Escamps, ma vieille, c'est chic, il y a un notaire, enterré dans une chapelle grande comme la cabane du jardinier, avec une porte vitrée, par où on voit un autel, des fleurs, un coussin par terre et une chaise en tapisserie.
- Une chaise ! Pour qui ?
- Pour le mort, je pense, quand il revient la nuit.

Il avait conservé de la très petite enfance, cette aberration douce, cette paisible sauvagerie qui garde l'enfant tout jeune contre la peur de la mort et du sang. A treize ans, il ne faisait pas beaucoup de différence entre un vivant et un mort.

Pendant que mes jeux suscitaient devant moi, transparents et visibles, des personnages imaginés que je saluais, à qui je demandais des nouvelles de leurs proches, mon frère, inventant des morts, les traitait en toute cordialité, et les paraît de son mieux, l'un coiffé d'une croix à branches de rayons, l'autre couché sous une ogive gothique, et celui-là couvert de la seule épitaphe qui louait sa vie terrestre..." 

(Colette - La maison de Claudine)


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