lundi 28 octobre 2013

« Celui qui souffre seul,souffre surtout par imagination; mais l’âme dompte aisément la souffrance, quand sa douleur a des camarades d’épreuve. » (William Shakespeare-Le roi Lear)
















     

     
    « Je me suis retrouvé dans ce monde-ci un beau jour – je ne sais lequel – 
    et où, jusque là,  j'avais vécu sans rien sentir. 
    Lorsque j'ai demandé où je me trouvais, tout le monde m'a trompé, 
    chacun contredisant tous les autres. 
    Si j'ai demandé ce que je devais faire, tout le monde m'a leurré, 
    chacun me répondant une chose différente. 

    Si, ne sachant où aller, je me suis arrêté en chemin, tout le monde s'est étonné que je ne m'engage pas sur cette route dont nul ne savait où elle menait, ou que je ne revienne pas en arrière – alors que, réveillé à la croisée des chemins, j'ignorais même d'où je venais. 

    Je vis que je me trouvais sur une scène et que je ne savais rien de mon rôle, alors que les autres se mettaient à réciter le leur, sans le savoir d'avantage. 
    Je vis que j'étais habillé en page, mais nul ne me donna ma reine, ce dont je fus blâmé. 
    Je vis que je tenais à la main le message qu'il fallait transmettre, 
    et quand je leur dis que la feuille était blanche, ils se moquèrent de moi. 
    Et je ne sais toujours pas s'ils se sont moqués de moi parce que les feuilles sont toujours blanches, ou bien parce qu'il faut toujours deviner les messages.

    Finalement, je me suis assis sur une pierre, à la croisée des chemins, 
    comme auprès du foyer que je n'ai jamais eu. 
    Et j'ai commencé, une fois seul, à faire des bateaux de papier 
    avec le mensonge que l'on m'avait donné. 
    Personne n'a voulu me croire, même comme menteur, 
    et je n'avais pas de lac pour prouver ma vérité. » 

    (Fernando Pessoa – Le Livre de l'Intranquillité)

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