lundi 14 avril 2014

''C'est en chacun de vous qu'il faudra tuer le dragon..." (Evgueni Scwartz)






«  - Du flan, que du flan. Ils sont terribles, mes hommes. Des plus terribles, on n'en trouve pas. C'est mon œuvre. C'est moi qui les ai taillés.

- Quand même, ce sont des hommes.

- De l'extérieur, seulement.[...] Si tu voyais leur âme, ah ! Tu aurais des frissons. [...] Tu t'enfuirais même en courant. Tu ne serais pas prêt à mourir pour des estropiés. C'est moi personnellement, mon ami, qui les ai estropiés. Et je les ai estropiés autant que c'était nécessaire. Les âmes des hommes, mon ami, tiennent beaucoup à la vie. Tranchez un corps en deux, l'homme crèvera. Mais déchirez-lui son âme, il deviendra docile, un point c'est tout. Non, non, des âmes comme ça on en trouve nulle part. Que dans ma ville. Des âmes manchotes, des âmes cul-de-jatte, des âmes sourdes et muettes, des âmes à la niche, des âmes au gibier, des âmes damnées. Tu sais pourquoi le bourgmestre fait semblant d'être un malade mental ? Pour cacher qu'il n'a strictement aucune âme. Des âmes percées, des âmes vénales, des âmes de faux jetons, des âmes mortes. 
Ah ! Oui, c'est dommage qu'elles soient invisibles.

- C'est une chance pour vous.

- Comment ça ?

- Les gens auraient peur en voyant, de leurs propres yeux, à quoi leurs âmes ont été réduites. Ils iraient droit à la mort, au lieu de rester un peuple soumis.
Qui vous nourrirait alors?

- Le diable seul le sait, peut-être que vous avez raison. […] »

(Evgueni Schwartz – Le Dragon)

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