mercredi 17 mai 2017

Nous ne voyons pas les choses telles qu’elles sont, mais telles que nous sommes. (Anaïs Nin)

 
- Tu parles de dettes à acquitter, répliqua Thot sans s'émouvoir. Celle que j'ai à ton égard parce que tu m'as servi; celle que tu as contractée envers Seth pour t'avoir débarrassé de la malédiction que je t'infligeais. Je constate pourtant que tu es toujours aussi fier, prince, toujours impénitent. Car tu as commis un péché bien plus grave, le seul qui compte, et, malgré toutes ces années de souffrances, tu es encore incapable de le reconnaître […]. Si tu le nommes maintenant, magicien, tu peux encore être pardonné.[…]

Le prince chercha frénétiquement la réponse que Thot escomptait. Quel péché? Je l'ai servi, pensa-t-il avec aigreur. J'ai souffert. Que peut-on encore attendre de moi?

- Il m'est impossible de le nommer, car je ne crois pas qu'il existe, dit-il enfin. J'ai satisfait aux exigences des dieux et me suis efforcé de bien agir. Que peut-on demander de plus?

Thot secoua son long bec d'ibis d'un air pensif. Derrière lui, les babouins se mirent brusquement à pousser des piaillements irrités, puis se turent.

- Dettes et créances, services rendus et charmes contraignants, murmura le dieu. Rien de tout cela ne trouble le grand lac d'orgueil qui forme l'essence de ton être. Tes souffrances n'ont même pas ridé sa surface. Tu crois toujours qu'il suffit que tu t'acquittes de tes obligations spirituelles pour mériter une récompense, l'annulation d'une dette ou la disparition d'une souffrance que tu considères comme injuste. Ces années ne t'ont 
rien appris d'autre que le ressentiment, prince.

(Le tombeau de Saqqarah – Pauline Gedge)


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