samedi 14 décembre 2013

"La nuit n'est peut-être que la paupière du jour." (Omar Khayyâm)







  « Je suis revenue sur mes pas. Le vent froid de la nuit poussait le papier vers la grille des eaux pluviales, encore un instant et il disparaîtrait au fond. Je voulais me souvenir de la phrase que j’avais écrite et je ne me souvenais plus de rien, pas même du mot « Afortunada ». Chanceuse. J’avais pensé que ce qui était écrit n’était peut-être rien et pourtant, une fois perdu, ça me semblait être un trésor. Je me suis précipitée sur le bout de papier qui n’arrêtait pas de courir en cahotant tout droit vers la grille, mû par une force d’attraction, telle une balle de golf vers le trou. Ma chance s’en allait avec lui. Chanceuse. J’ai rattrapé le bout de papier au dernier instant, je l’ai déplié devant mes yeux 
et j’ai vu qu’il était intact : 

« Afortunada, afortunada, elle a de la chance et ne désire rien. » 

Mais il n’y avait pas que ces mots-là, non, quelqu’un avait écrit : 

« Elle a un amour et n’a pas d’amant
 Elle a un logis et n’a pas de maison
 Elle a de la chance et ne désire rien. » 

(Lidia Jorge, La nuit des femmes qui chantent)

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