mercredi 25 février 2015

"Du premier jour où je vis son visage en cette vie, jusqu'à cette vision, le cours de mon chant n'a pas été rompu." (Dante Alighieri)


 
« La ligne de mots palpe ton propre coeur. Elle envahit les artères, elle entre dans le coeur avec la ruée du souffle ; elle étreint le rebord mobile d'épaisses valvules ; elle tâte ce muscle obscur aussi fort que des chevaux, cherchant une chose, qu'elle ignore. Une image étrange s'incruste dans le muscle comme un ver enkysté - une pellicule de sentiment, une chanson oubliée, une scène dans une chambre assombrie, un coin du terrain boisé, une affreuse salle à manger, tel trottoir exaltant ; ces fragments sont lourds de sens. La ligne de mots les pèle, les dissèque entièrement. Les tissus mis à nu s'enflammeront-ils ? As-tu envie d'exposer ces scènes en pleine lumière ? Tu les localiseras peut-être avant de les laisser en paix, ou bien tu fouilleras l'endroit sans pitié jusqu'à ce que la plaie saigne sur ton doigt, puis tu écriras avec ce sang. Si la blessure n'est pas mortelle, si elle ne s'aggrave pas pour faire obstacle à autre chose, tu pourras utiliser son pouvoir pendant de nombreuses années, jusqu'à ce que le coeur la résorbe.

La ligne de mots tâtonne à la recherche des fissures du firmament. »

(Annie Dillard - En vivant, en écrivant - 1996)

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