vendredi 1 septembre 2017

Dans la matière, il n'y a pas de dieux. Dans l'équilibre, il n'y a pas de dieux. Les dieux sont nés de la séparation des forces et ils mourront de leur réunion. (Antonin Artaud - Héliogabale ou l'Anarchiste couronné)


 
A quinze ans, j’étais fatigué de vivre. Sans doute faut-il être si jeune 
pour se sentir si vieux…

De quoi souffre-t-on à quinze ans?

De ça, justement: d’avoir quinze ans. De ne plus être un enfant et pas encore 
un homme. De nager au milieu du fleuve, une rive quittée, l’autre non rejointe, buvant 
la tasse, coulant, remontant, luttant contre les tourments du courant avec 
un corps nouveau qui n’a pas fait ses preuves, seul, suffoqué.

Violents, mes quinze ans, rudes. La réalité frappe, entre, s’installe et trucide les illusions. Gamin, je pouvais me rêver mille destinées - aviateur, policier, prestidigitateur, pompier, vétérinaire, garagiste, prince d’Angleterre -, m’imaginer de nombreuses apparences - grand, fin, trapu, musclé, élégant -, me doter de talents variés - les mathématiques, la musique, la danse, la peinture, le bricolage -, m’attribuer le don des langues, la facilité pour le sport, l’art de la séduction, bref, je pouvais me déployer 
dans tous les sens puisque je n’avais pas encore de réalité. 
Qu’il était beau l’univers, tant qu’il n’était pas vrai… 

Quinze ans, voilà que mon champ d’action se rétrécissait, les possibles tombaient 
comme des soldats à la guerre, mes rêves aussi. Charnier. Massacre. 
Je marchais dans un cimetière de songes.

(Ma vie avec Mozart - Eric-Emmanuel Schmitt)



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